Quand le granite se met en boule : colère ou altération ?
Dans les terres ou au bord de mer dorment parfois d’énormes et paisibles mastodontes de pierre. De par leur forme arrondie et leur taille parfois gigantesque, ces monstres interpellent et fascinent le promeneur. On les imagine posés là depuis des siècles et des siècles, immobiles.
A l’origine : un magma
Plongées à quelques kilomètres de profondeur (10 à 20 km environ), sous les montagnes, dans une ambiance relativement chaude (700 à 800°C), les roches de la croûte terrestre se mettent à fondre partiellement pour donner naissance à un magma, mélange de liquides et de fragments solides. Le bain cristallin et visqueux, d’une densité moindre se faufile lentement vers la surface par le simple jeu de différence de densité [il est bien connu que l’air chaud, donc moins dense, monte par simple différence de densité avec l’air ambiant moins chaud]. La ballon magmatique s’écarte ainsi de la zone sensible, monte à travers la croûte et termine son ascension. Durant cette phase de refroidissement, des cristaux apparaissent et croissent dans le potage chimique. Tout doucement, pendant des millions d’années, les minéraux vont cristalliser, grandir et s’affirmer. La masse minérale se solidifie et forme une roche magmatique particulière relativement homogène que l’on appelle "granite". Les grains de quartz, les feldspaths et les paillettes de mica principaux minéraux des granites.
L’érosion, un travail besogneux
Agressée de toutes parts par le ruissellement des eaux de pluie, les torrents, les rivières, les fleuves, la glace, le vent, les vagues, la surface de la Terre s’érode inexorablement. Quelques dixièmes de millimètres de rabotage annuel, ceci pendant des dizaines de millions d’années, suffisent à effacer une montagne. Ainsi des roches formées en profondeur se retrouvent portées en surface par la simple érosion. Un phénomène, imperceptible à l’échelle humaine, difficile à imaginer, à sentir mais bel et bien là. L’érosion œuvre sournoisement et estompe les reliefs terrestres. Ainsi, nos granites, formés en profondeur pointent leur nez plutonique en surface.
Attention, fragile !
Un granite présente des fractures plus ou moins importantes. Ces fissures sont provoquées par les aléas géologiques, à savoir les mouvements tectoniques ou bien la libération des tensions internes lors du rapprochement du granite de la surface (dilatation, augmentation de son volume). Ces cassures, comparables aux fissures d’un pare-brise, dessinent des formes géométriques rigoureuses, segmentent et morcellent l’ensemble du massif.
L’eau attaque sournoisement
Il est un phénomène encore plus imperceptible que l’érosion, encore plus sournois : l’altération. Les roches et plus particulièrement nos granites, peuvent en surface, être attaquées par des fluides (de l’eau) ou des gaz (de virulents gaz hydrothermaux issus d’une activité volcanique ou simplement de l’air). L’eau a un pouvoir considérable sur les minéraux des roches, son action chimique et physique dissout certains petits grains de l’agrégat. L’eau, en contre partie se charge en sels minéraux. Dans les granites, les feldspaths, minéraux très vulnérables, sont attaqués en priorité. D’un blanc éclatant, ils deviennent jaune clair, signe des prémices de l’altération annoncée. Les grains se dissocient les uns des autres, entraînant une désagrégation de l’ensemble et donc un pourrissement de la roche. Le granite devient friable et s’émiette facilement à la main. Il en résulte un sable grossier mélangé à de l’argile : l’arène granitique.
Les granites fissurés sont obligatoirement victimes de ces attaques sournoises. Les blocs de roches (polyèdres) limités par les fissures sont altérés en périphérie par les eaux qui circulent et stagnent dans le sous-sol. Les fissures s’épaississent aux dépens des blocs qui diminuent et s’arrondissent.
Nettoyage de printemps
L’érosion continue son œuvre. Les eaux courantes, les rivières, la mer viennent nettoyer et libérer les blocs arrondis de leur coquille de roche pourrie. Les monstres de pierres sortent de terre et apparaissent entassés les uns sur les autres, créant ainsi un véritable chaos granitique.